“(...)si elles n’ont pas de regard
c’est pour que l’on ne succombe pas totalement à leur tentation...”
"En fait, je laisse à celui qui observe mes femmes le plus important... imaginer son regard ...!"
François Groslière, en peinture, voue son énergie à l’éloge d’un idéal féminin : madone aux
formes généreuses, solide et rayonnante figure à la beauté altière. Sur papier ou, depuis
1995, plus volontiers sur toile, à l’acrylique et au pastel gras, il déploie, aux fins de cette
célébration, tout le registre d’une aisance technique d’abord acquise au sein d’écoles
reconnues puis quotidiennement mise en oeuvre dans sa profession de publicitaire.
Ainsi, après une formation engagée au cours des Beaux-Arts de Clermont-Ferrand, le plasticien
entame – et achève- un cursus en dessin à l’école Brassart de Tours (1981-1983) :
une entreprise parisienne lui confie les fonctions de rough man,
celui ci devant réaliser les ébauches de visuels destinés aux clients
–travaux tenus simultanément expressifs et séduisants. Revenu dans
sa ville natale en 1987, ce Clermontois paraît aujourd’hui transposer
dans sa pratique picturale toutes les qualités qui ont d’abord
fondé sa valeur professionnelle.
Car, avec une remarquable économie de moyens et d’un trait sûr, il
cerne modèles et objets . Puis, prolongeant ce trait graphique,
Groslière dispose de vives couleurs qui, paraissant autant d’aplatsrévèlent
pourtant à l’examen une science parfaite du modèle et des
ombrés. Au final, si elle sous-tend une solide formation académique,
l’oeuvre respecte les exigences d’immédiate lisibilité propre
à l’image publicitaire et, par son impact visuel, incite le spectateur
à une appréciation instantanée voire une réaction dans l’instant que
l’auteur se plaît, du reste, à recueillir sur les lieux où il présente ses
oeuvres, expositions ou marchés de l’art. Ainsi, depuis 1995 – date de sa première exposition-,
les beautés pléthoriques qu’il dépeint deviennent-elles support d’échanges oraux
avec un public- pour bonne part féminin- quotidiennement confronté aux idéaux médiatisés
de longilignes androgynes.
C’est que le publicitaire transpose dans sa peinture un goût pour l’opulence féminine que
partageaient de nombreux artistes, contemporains notamment, tels Auguste Renoir, Gaston
Lachaise ou Fernand Botero. Avec ces deux derniers, tout particulièrement, il cherche à
pousser à l’hypertrophie des volumes – ceux des cuisses et mollets surtout- jusqu’à une
improbabilité anatomique qui aboutit à un remarquable équilibre plastique. Ainsi, d’une
part, l’opulence n’est-elle jamais lourdeur puisque les imposants volumes carnés ne viennent,
en contrepoint, que souligner la finesse des pointes de pieds sur lesquelles se meuvent
ses modèles : tandis que leurs extravagantes chevelures, ne reposant que sur des cous
à priori trop fins, n’en suggèrent que mieux l’admirable délicatesse. Parfois, Groslière, dans
son audace, ne cherche plus à figurer ce cou que sa manière graphique et sensuelle s’en
trouve affectée (La Madone bleue, 2003). Au delà d’une tangible subtilité formelle, ses
oeuvres interpellent par une finesse psychologique, plus remarquable encore dans la description
des sujets féminins. Car, d’autre part, en ces réalisations, la langueur des poses ne
se résout jamais en abandon lascif : ces femmes, souvent inscrites
dans de solides compositions triangulaires, deviennent
ainsi figures assurées d’une belle prestance consentant à poser.
Ou lorsqu’elles semblent surprises dans leur intime quotidienneté,
ne nous retournent-elles le plus souvent que l’énigmatique
expression d’un visage sans regard. Ainsi est créée la distance
psychologique propice à rêverie ou à contemplation
émerveillée.
A l’instar de Michèle Caranove, plasticienne également issue du
monde de la publicité, Groslière ne renonce pas à faire de la
communication visuelle par un biais pictural. Seulement, cette
pratique artistique, menée pour le plaisir et souhaitée sans
contraintes, refuse de recourir à des formes et des couleurs
codifiées pour mieux servir un discours dont elles ne seraient
que le support. Au contraire, offertes au regard et à l’imagination,
les femmes généreuses qu’il nous dépeint affichent l’ambition
– énorme - d’être spontanément esthétiques.